LES CAHIERS S.M.T. N°25 - MAI 2011

Accueil du site a-S.M.T

Tous les cahiers

Sommaire du Cahier 25

 

 
 
 

PRÉVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX DES ORGANISATIONS DU TRAVAIL

 

QUELLE PLACE POUR L’ÉQUIPE MÉDICALE EN MÉDECINE DU TRAVAIL DANS LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE PAR LES ACCORDS DE PRÉVENTION DES RISQUES PSYCHOSOCIAUX DES ORGANISATIONS DU TRAVAIL DÉLÉTÈRES ?

 
Dominique HUEZ, médecin du travail
 

Par professionnels de santé au travail nous parlons des personnes qui relèvent pour leur exercice professionnel du
Code de la santé, c’est-à-dire des médecins du travail et des infirmiers(ières) du travail. Rappelons que l’exercice des médecins du travail est fondé sur la confiance adossée au secret médical c’est-à-dire à la préservation de ce qui advient aux oreilles du médecin du travail en ce qui concerne les situations individuelles. Agir sur le travail et son organisation pour préserver la santé d’une personne ne peut se faire qu’avec son consentement éclairé tout en préservant la confidentialité sur son état de santé. Agir collectivement passe par une contribution spécifique à l’identification des risques du côté du travail, par des dispositifs de veille et d’alerte médicale. Les informations ou alertes sont portées à la connaissance des employeurs, CHSCT ou représentants du personnel en cas de défaut de cet organisme.

Alors oui, si de tels accords RPS incitaient les médecins du travail à déployer des dispositifs de veille et d’alerte médicale de leurs responsabilités dont ils rendraient compte chaque année et en tant que de besoin, cela pourrait faire avancer la prévention. Mais ne confondons pas la participation à des enquêtes ou à des indicateurs généraux des entreprises, avec un dispositif de la responsabilité du médecin du travail. Le système de veille et d’alerte du médecin du travail doit être concret, lui permette d’agir préventivement à partir de ce qui fait difficulté dans des situations de travail de petites collectivités de travail. La porte d’entrée en est le travail empêché tel qu’il advient à la compréhension du médecin du travail, ou les multiples figures de la souffrance psychique qui prennent sens dans le suivi d’une petite collectivité de travail. Socialiser de telles situations auprès des différents acteurs de l’entreprise et auprès des salariés pour qu’ils s’expriment et proposent des alternatives face à ces situations bloquées procède d’une démarche de prévention des effets délétères d’organisations du travail pathogènes.

De nombreux accords mettent en place des groupes pluridisciplinaires, de qualité de vie au travail, des cellules d’écoute… Ils sont souvent fondés sur un dispositif dont l’objet est de court-circuiter l’action des CHSCT. Sur ce point les médecins du travail du travail sont en position délicate. Conseillés des différentes parties donc des employeurs, Ils ne peuvent refuser le principe de participer à de telles réunions de la responsabilité d’employeurs. Mais ils ne peuvent en être les animateurs pour l’employeur et ce qu’ils peuvent y dire collectivement doit pouvoir être dit au CHSCT ou à la représentation du personnel. Cela doit rester compatible avec un plan d’activité du médecin du travail discuté en CHSCT. Mais il y a une ligne blanche que ne doit jamais franchir un médecin du travail, c’est d’accepter d’instruire des cas individuels dans de telles instances. Même et encore plus, si cela est présenté dans un cadre de confidentialité des échanges.

Il n’y a aucun secret partagé du point de vue d’un médecin du travail, avec aucun acteur, comme l’employeur, le RH, l’assistante sociale, ou le représentant du personnel. C’est la responsabilité personnelle du médecin du travail qui est alors engagée en cas de divulgation de données médicales personnelles et ce dernier peut être condamné pour cela. Sinon c’est tout le dispositif médical du travail qui s’effondre. La forme la plus caricaturale en est la « cellule d’écoute » condamnée par l’Ordre des médecins où Responsable des ressources Humaines, Assistante sociale et Médecin du travail mettent en commun l’ensemble de leurs connaissances sur les personnes sans aucun secret.

Le médecin du travail ne peut non plus se voir prescrire par de tels dispositifs des actions en responsabilité qui engage sa responsabilité de moyens.

Ainsi la participation obligatoire pour le salarié, sous la responsabilité du médecin du travail, à des dispositifs d’observatoire individuels du stress dans le cadre du SST, où des questionnaires sont remplis qui n’instruisent jamais le lien santé-travail. Ces questionnaires individuels sont conservés dans le dossier médical du travail individuel. Dans des affaires engageant le droit, ils servent de preuve pour stigmatiser telle soit disant fragilité individuelle sans jamais, et pour cause, interroger le travail.

Ainsi la caution du médecin du travail à des dispositifs de la responsabilité de l’employeur pour gérer les conséquences collectives de drames psychopathologiques comme des« décompensations psychopathologiques aigües » ou des processus suicidaires. L’employeur fait alors appel à des dispositifs privés « psychologisants » et enjoint au salarié d’accepter cette prise en charge « psy » hors du Code de la santé. Pour cela il a besoin de « l’abstention délictueuse » du médecin du travail qui laisse faire et utiliser sa fonction pour couvrir une telle prise en charge sans cadre de droit.

Ainsi le fait pour un SST de populariser le dispositif de numéros verts auprès de salarié en difficulté engage la responsabilité personnelle du médecin du travail qui cautionne cette action des ressources humaines de son entreprise. De plus un tel dispositif évite au médecin du travail d’agir. Avec les numéros verts il est impossible de savoir s’il s’agit d’un dispositif de soin qui relève du Code de la santé, ce que croit un salarié en difficulté, mais ce qui n’est jamais le cas en réalité. Dans de tels cas, des médecins du travail cautionnent es-qualité ce qui se présente comme dispositif médical ; ils sont la porte d’entrée médecine du travail auprès de leurs confrères. Cette pratique relève d’un exercice illégal de la médecine du travail, ces médecins n’ayant aucune délégation médicale de « médecin remplaçant » de leurs confrères. Ils procèdent de plus à une présentation mensongère de leur fonction ce qui est déontologiquement condamnable.

Le cautionnement par un médecin du travail poussé par un accord RPS pour faire effectuer une « autopsie psychique »,ou via un audit d’employeur cautionné par le médecin du travail mettant en œuvre de tels dispositifs suite à désaccords RPS, engage directement sa responsabilité juridique. En effet de telles « autopsies psychiques » après suicide, si elles sont pratiquées par des médecins psychiatres se présentant comme tels, doivent s’inscrire dans un exercice médical relevant du code de la santé et sont couvertes par le secret médical. Si elles ne sont pas effectuées dans un exercice relevant du Code de la santé, il s’agit d’un exercice illégal de la médecine. Quant à la méthodologie, elle est éminemment discutable puisqu’elle exclut le travail de son investigation et ne peut que stigmatiser telle structure psychique ou fragilité ponctuelle sans jamais avoir accès aux éléments explicatifs du côté du travail.

Rappelons que la loi ne permet pas que des soins médicaux puissent être pratiqués sous injonction ou contrôle d’un employeur. Alors face à des difficultés psychopathologiques majeures qui relèvent de l’urgence, l’employeur peut faire appel à des secours extérieurs qui éventuellement feront appel à une cellule d’écoute de la responsabilité du préfet pour « gérer l’ordre public social ». Un médecin du travail doit intervenir personnellement s’il est en situation de la faire. Sinon il peut adresser pour avis ou prise en charge d’urgence à tout spécialiste de la chaine de soins, un salarié en difficulté psychopathologique. Il peut aussi rédiger un protocole médical spécifique pour agir, pour un infirmier du travail placé sous sa responsabilité professionnelle. Dans cette situation un infirmier n’obéit jamais aux consignes médicales générales d’une entreprise. Il agit en rôle propre donc en responsabilité professionnelle personnelle ou sous couvert de l’engagement de responsabilité d’un médecin du travail.

 

Version PDF

Accueil du site

Haut de Page