6 Février
2014
Prendre du recul : Examiner de plus près la nature et le fonctionnement des juridictions ordinales Par le coordonnateur de la pétition le Dr Alain carré
Soutien au Docteur Jean Rodriguez psychiatre du service public hospitalier attaqué devant l’ordre par l’enseigne de décoration Zôdio du groupe Mulliez. L’ordre des médecins appliquant la loi Bachelot de 2009, le poursuit maintenant directement sans aucune instruction autonome, sans l’aval d’une autorité régalienne, reprenant tous les arguments de l’employeur à son compte. Il est convoqué le vendredi 14 février devant la chambre disciplinaire ordinale de Marseille à 9h30 http://csdr84.net /. Soutenons-le ! Soutien au Docteur Nathalie Pennequin médecin du travail expérimentée de la RATP, que la RATP veut faire taire pour qu’elle n’instruise plus le lien santé-travail, au nom de soi-disant patients fictifs qui ne portent pas plainte eux-mêmes devant l’ordre des médecins. Malgré cette illégalité flagrante, l’ordre des médecins a reçu la plainte, et organisé une pseudo conciliation-menace sans aucun des patients, à laquelle elle ne s’est pas rendue pour préserver son indépendance professionnelle. Voilà pour les nouvelles affaires publiques. Les employeurs instrumentalisent l’ordre des médecins pour échapper à leurs responsabilités judiciaires, en portant plainte contre les médecins du travail produisant des écrits (ou des actes) qui leur sont défavorables. C’est comme si les syndicats portaient plainte à l’ordre des médecins contre un médecin du travail, parce qu’il n’arriverait pas à faire prendre par l’employeur des mesures nécessaires dictées par son obligation de sécurité de résultat. L’ordre des médecins ne peut devenir l’arbitre de l’applicabilité des avancées sociales du droit (droit du travail et code de la sécurité sociale pour déclarer les MP). Dans la mesure où nous avons appris que cinq médecins du travail en une année, deux psychiatres et deux généralistes ont à répondre de plaintes devant le conseil de l’ordre fomentée par les employeurs, nous estimons que ces plaintes sont probablement plus nombreuses mais que nous ne les connaissons pas toutes, les médecins ayant cédé en conciliation ne le diffusant pas. Nous sommes confrontés à une offensive concertée du patronat qui vise les médecins du travail les plus actifs (collectif des médecins du travail de Bourg en Bresse, association SMT) et qui porte actuellement sur les risques psychosociaux mais pourrait s’étendre aux certificats de maladies professionnelles. Nous avons ainsi appris qu’un responsable de chaire de pathologie professionnelle a été poursuivi devant l’ordre de Paris par une société d’ascenseurs pour un certificat de maladie professionnelle, pour une maladie liée à l’inhalation de poussières d’amiante chez un ascensoriste. La plainte aurait été retirée après intervention du syndicat patronal et des excuses auraient été faites. Cela démontre que très probablement l’épidémie de plaintes est concertée et organisée par les employeurs. Les médecins du travail qui restent fidèles au rôle qui leur est assigné, ont développé collectivement un soubassement théorique, issu des sciences sociales, leur permettant des pratiques diagnostiques du lien entre la santé et le travail et plus précisément entre des caractéristiques de l’organisation du travail et leurs effets, notamment sur la sphère psychique. Leurs diagnostics du lien santé travail, qu’ils ont le devoir et l’obligation de consigner par écrit, lequel est accessible au travailleur concerné, sont directement un risque juridique majeur à la fois assurantiel, contractuel et potentiellement pénal pour les employeurs. Il est donc essentiel pour les employeurs de « sécuriser » leur responsabilité en faisant définitivement taire les plus enclins et par conséquence à terroriser les autres afin de les dissuader de rendre visible ces diagnostics. C’est dans ce contexte très défavorable qu’il faut interpréter les plaintes d’employeurs auprès des juridictions professionnelles de l’Ordre des médecins. En effet, les recours possibles au juge judiciaire seraient immédiatement contre-productive dans la construction de l’invisibilité recherchée : elles rendraient largement publiques ce que les employeurs espèrent cacher, mais surtout elles instruiraient judiciairement le conflit dans le cadre juridique et réglementaire défavorable à la partie patronale. Nous ne mésestimons pas l’existence de caractéristiques qui tiennent à l’origine à la fois historique, politique et sociale de l’Ordre des médecins et qui en font un instrument favorable à la stratégie poursuivie par les employeurs, notre propos est ici plutôt d’examiner le fonctionnement des juridictions pour construire une critique rationnelle et opératoire afin d’en tirer des conclusions en matière d’action pratique. Ainsi:
Or, les juridictions professionnelles de l’Ordre des médecins fonctionnent comme des juridictions d’exception puisqu’elles s’exemptent des principes juridiques et réglementaires habituels. Notamment, elles dérogent aux principes de séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire qui préside au fonctionnement d’une démocratie. L’ordre des médecins détient ainsi tous les pouvoirs pour intervenir sur la question sociale d’un point de vue partisan et illégitime: Concrètement ces juridictions ordinales :
La procédure elle-même recèle une inadaptation flagrante. Prévue pour un conflit entre un médecin et son patient, elle ne peut être appliquée à un conflit entre un employeur et un médecin. Ainsi : L’ordre ne procède à aucune véritable analyse juridique de la recevabilité de la plainte d’un employeur alors que juridiquement elle ne va pas de soi. Notamment, ces juridictions ne vérifient pas, comme le fait un juge d’instruction ou un procureur, la réalité des faits allégués par l’entreprise plaignante. L’ordre organise une « conciliation » obligatoire entre l’employeur et le médecin du travail alors que la réglementation interpose, dans l’hypothèse de désaccords, la tutelle administrative de l’institution (inspection du travail), pour protéger l’indépendance du médecin du travail. Lors de cette « conciliation » employeur et médecin sont en situation d’inégalité de traitement et de moyens de défense. En effet lors de la “conciliation ordinale” contrairement à la conciliation prudhommale l’employeur agit pour ses propres intérêts (il est mis en cause devant une juridiction prudhommale ou pénale par le patient du médecin), alors que le médecin agit pour les intérêts de la santé de son patient. Or, cette « conciliation », pour aboutir, impose au médecin de « s’expliquer » sur ses pratiques au regard d’un cas singulier, celui du patient, au péril du secret professionnel, et éventuellement à modifier ou à renoncer à un écrit, hors de la présence du patient que cela concerne, ce qui est interdit par la déontologie. De plus cette « conciliation » tient lieu pour l’ordre de pseudo audition, dans le cas d’un médecin du service public. Cette “audition” par l’ordre, subordonnée, est contraire à la déontologie médicale La transmission de la plainte à la chambre disciplinaire régionale est automatique et ne comporte pas de véritable instruction, a fortiori, si le médecin a refusé la conciliation, car le médecin n’est pas personnellement entendu, hors de la présence de l’employeur, par l’échelon ordinal de réception de la plainte. Cette fausse « instruction » comme les éléments de synthèse de la chambre disciplinaire ainsi que les « références » émanant de l’échelon national de l’ordre dépassent les limites de compétence de l’institution limitée à la déontologie médicale et imposent des pratiques médicales qui ne relèvent pas de la déontologie médicale. L’argumentaire avancé par les avocats des employeurs citent, tous sans exception, des éléments d’un rapport de 2006 approuvé par l’Ordre national qui illustre parfaitement ce travers [2] Comment s’étonner par conséquent que les employeurs instrumentalisent les juridictions professionnelles de l’ordre des médecins, dès lors qu’un écrit d’un médecin et notamment d’un médecin du travail ne leur est pas favorable. Soit le médecin se rétracte en conciliation, soit il est condamné à coup sûr par la juridiction professionnelle. Nous sommes confrontés à un système absurde de plainte ou toute plainte de plaignant illégale et illégitime conduit, via une pseudo instruction qui repose sur la menace et la peur, à un résultat bénéfique pour l’auteur de la plainte illégale, toujours ici un employeur confronté à des procédures prud’homales ou pénales ou à des actes professionnels relevant de l’indépendance du médecin du travail. Il n’y aucun arbitre de ces abus de recevabilité en droit. Dans le tout petit milieu de la médecine du travail la peur gagne du terrain, car écrire sur le lien santé travail pourrait être dangereux et le silence s’imposerait dorénavant. La prévention médicale des risques professionnels et de leurs effets serait morte. Il est urgent que :
Alain CARRE
[1] L’article R 4126-1 du code de la santé publique traite de « L'action disciplinaire contre un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme ne peut être introduite devant la chambre disciplinaire de première instance que par l'une des personnes ou autorités suivantes : 1° Le conseil national ou le conseil départemental de l'ordre au tableau duquel le praticien poursuivi est inscrit à la date de la saisine de la juridiction, agissant de leur propre initiative ou à la suite de plaintes, formées notamment par les patients, les organismes locaux d'assurance maladie obligatoires, les médecins-conseils chefs ou responsables du service du contrôle médical placé auprès d'une caisse ou d'un organisme de sécurité sociale, les associations de défense des droits des patients, des usagers du système de santé ou des personnes en situation de précarité, qu'ils transmettent, le cas échéant en s'y associant, dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 4123-2 (…) [2] Extrait du rapport « certificats » du CNOM (2006) : « Lorsque le médecin se voit demander expressément par le patient de mentionner l'affection dont il souffre, il doit être particulièrement prudent. A la lettre, rien ne le lui interdit puisqu'il n'y a pas de secret entre le patient et le médecin. Le plus souvent, ces certificats sont destinés à être versés dans des procédures en cours: divorce, contestation devant le conseil des prud'hommes, ... pour démontrer que la situation vécue en couple, en famille, en milieu professionnel ... , était si intolérable qu'elle a affecté l'état de santé de la personne et doit être réparée. Le médecin doit convaincre le demandeur qu'il n'est pas de son intérêt à terme de livrer une telle information qui circulera tout au long de la procédure et dont rien ne permet d'affirmer qu'elle ne lui sera pas opposée plus tard. S'il accepte néanmoins de délivrer ce certificat, le médecin devra être très prudent dans la rédaction. ll lui est interdit d'attester d'une relation causale entre les difficultés familiales ou professionnelles, . et l'état de santé présenté par le patient. Il n'a pas non plus à « authentifier» en les notant dans le certificat sous forme de « dires» du patient les accusations de celui-ci contre un tiers, conjoint ou employeur. » |
20 Janvier
2014 Après « sanction » : Analyse de la situation du coordonnateur de la pétition le Dr Alain carré
Le Dr HUEZ est sanctionné par un avertissement par la Chambre disciplinaire du conseil de l’ordre de la Région Centre. Passons sur le fait que, dans cette juridiction « spéciale », le simple déclaratif suffit à valider des affirmations de la partie patronale alors que, dans une juridiction judiciaire, cela impliquerait l’enregistrement des pièces qui les prouvent. Permissivité d’un côté, sévérité de l’autre. Ce qui frappe ici est l’inconsistance des considérants sur les deux questions de droit essentielles :
En guise d’argumentaire la chambre disciplinaire se contente d’une simple affirmation à la première question et ne réfute pas les éléments de droit et de jurisprudence produits par la défense à l’appui de la deuxième question. Sont totalement absentes des réponses aux interrogations de la défense sur la nature d’une « instruction » par le Conseil départemental, sur l’impartialité de laquelle on peut légitimement s’interroger:
Dans son souci de soutenir la position du plaignant-employeur, la chambre disciplinaire va jusqu’à reprocher au Dr HUEZ « d’avoir porté sur les conditions de travail (du) salarié une appréciation comportant des qualifications de nature pénale » ainsi est interprétée le « défaut d’engagement des obligations de santé de résultat d’un employeur » signalé par le Dr HUEZ. En prétendant cela la chambre disciplinaire rend impossible tout constat du lien santé-travail. Car, en l’occurrence, toute mise en lumière du lien entre des éléments du travail et leurs effets délétères sur la santé, qui relève pourtant des obligations réglementaires du médecin du travail tombent sous le coup de cette qualification puisqu’ils engagent la responsabilité des employeurs. Il en est ainsi par exemple du certificat de maladie professionnelle, mais aussi de dispositions du code de la sécurité sociale qui engagent tout médecin à signaler les étiologies professionnelles d’atteintes à la santé. La véritable question bien évidemment ne relève pas de juridictions qui paraissent incapables d’analyser le droit et de considérer la question sociale sous-jacente à ces affaires. Les ordres des médecins risquent de perdre toute légitimité en prêtant le flanc à des accusations de trop grande proximité d’intérêt avec les employeurs. Depuis le jugement concernant le Dr HUEZ, deux autres médecins du travail, trois praticiens de soins viennent de s’ajouter à la liste de nos trois confrères contre lesquels des employeurs ont porté plainte devant l’ordre. Les employeurs s’engouffrent dans la brèche. La question relève dorénavant de la responsabilité politique de l’Exécutif. Il est urgent qu’il agisse. Alors qu’une loi sur la protection des lanceurs d’alerte est entrée en vigueur en avril 2013 ne s’appliquent elle pas aux médecins ? Ce gouvernement veut il assumer la responsabilité d’une disparition de la médecine du travail ? Veut-il liquider la possibilité pour les travailleurs d’accéder à leurs droits légitimes et à une juste réparation des atteintes à la santé liés au travail ? Tient-il à se priver de toute visibilité sur les effets du travail sur la santé ? On pourrait le croire devant l’attentisme dont il fait preuve, alors qu’une infime rectification d’un décret, modifié à la sauvette par la mandature précédente, pourrait rétablir une situation plus conforme aux principes de protection de la santé des travailleurs, en conditionnant toute plainte de cette nature à la voie judiciaire.
Pour signer la pétition : http://www.petitions24.net/alerte_et_soutien_aux_drs_e_delpech_d_huez_et_b_berneron Alain CARRE |
18 Décembre
2013
Que nous a appris l’audience de la chambre disciplinaire du 18 décembre ? Un point de la situation par le coordinateur de la pétition : Alain CARRE
Tout d'abord, que le caractère confidentiel de cette audience, qui favorise un manque de visibilité sociale, peut être contourné par une mobilisation collective. Bien que le Président ait tenu à rappeler le caractère écrit de la procédure, sans nul doute, la présence d'un public militant et l'expression publique des témoins, des avocats et de Dominique Huez ont permis de donner un tout autre relief à ce qui s'avérait être une formalité. En témoignent l'intérêt des médias pour cet évènement. Il faut remercier toutes celles et ceux qui se sont mobilisés le 18 car c'est grâce à leur présence que ces instances ne seront, sans doute, plus jamais les mêmes.
Concernant le fonctionnement des juridictions de l’ordre plusieurs questions sont maintenant posées publiquement et le législateur devra y répondre :
Concernant les pratiques médicales les témoignages ont clairement démontré que :
Juridiquement, les plaidoiries des avocats de Dominique Huez, Maître Teissonnière et Maître Topaloff ont clairement démontré :
Politiquement cette audience revêt, par conséquent, une grande importance : Alors que la stratégie des employeurs, à travers plusieurs plaintes, est de terroriser les médecins du travail pour les empêcher d’écrire sur les effets des risques psychosociaux, la mobilisation et l’intérêt des médias pour cette affaire devraient les faire réfléchir sur le danger de stigmatisation publique de ce mauvais procédé. Il faut aussi que les salariés soient, de leur côté, plus exigeant en matière d’alerte et des constats individuels et collectif, dorénavant devenus obligatoires, de la part de leur médecin du travail. Les ministres responsables de la santé et du travail ne peuvent continuer à faire comme si tout allait pour le mieux dans le meilleur de mondes. Ils ont déjà été interrogés et nous réitèrerons de façon encore plus précise nos questions sur les points de droit soulevés par les avocats. Cela implique que nous restions tous mobilisés, que nous appelions tous les salariés et leurs organisations à signer la pétition et que nous participions, au moins à la hauteur de ce qui s’est fait à Orléans, à la défense de tout médecin injustement mis en cause s’il le désire. Rien n’est gagné à ce jour. Ce n’est qu’un début... ! Signer les Pétitions : Soutien aux trois médecins du travail : http://www.petitions24.net/alerte_et_soutien_aux_drs_e_delpech_d_huez_et_b_berneron Soutien au Dr Rodriguez
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