Les « mesures de simplification pour les
entreprises » du gouvernement du 30 octobre 2014, mettent en
cause les fondements de la médecine du travail. Ce projet émane
pour partie du CISME.
Ce projet réactionnaire contraire aux intérêts de
la santé des salariés, contraire à la santé publique en santé au
travail et au droit constitutionnel de protection de la santé et
réglementaire d’adaptation du travail à l’homme, vise :
· À
supprimer le droit protecteur de l’aménagement du poste de
travail par le médecin du travail.
· À
supprimer le suivi médical systématique en médecine du travail
pour tous les travailleurs.
· À
transformer les médecins du travail en expert HSE, ingénieur de
sécurité pour les TPE – PME pour gérer les risques pour le
compte des employeurs.
Après avoir intégré l’employabilité dans les
missions du médecin du travail, le gouvernement va transformer
la médecine du travail en médecine de sélection médicale de la
main d’œuvre pour le plus grand nombre, et en médecine
d’entreprise de gestion du personnel pour celles ayant pignon
sur rue. |
« Le projet de
simplification pour les entreprises » présenté par le gouvernement le
30 octobre 2014, met en cause les fondements de la médecine du travail.
Ce projet
gouvernemental incroyable va CERTAINEMENT voir le jour sans réactions.
I - Ce projet
émane pour partie du CISME,
association patronale des présidents des SST (Services de Santé au
Travail), en date du 23 octobre 2014, (voir document joint). Le CISME y
propose :
-
1.
« L’abandon du
suivi médical systématique dont l’efficacité n’est pas démontrée
et qui est par ailleurs inapplicable » ;
-
2.
de « repenser
les modalités de déclaration de l’inaptitude, source de
difficulté pour les entreprises »
-
3.
pour continuer à faire
croire à la réalité d’un suivi en santé au travail pour les
salariés, mission régalienne qui est confiée au SST, « une
attestation de prise en charge individuelle santé-travail
nominative » sera délivrée automatiquement en retour « de la
liste de ses personnels avec les postes auxquels ils sont affectés
avec les risques afférents ». Ce document ne sera plus la garantie
d’aucun suivi médical périodique individuel, aujourd’hui droit du
salarié face aux contraintes des environnements du travail et des
organisations du travail.
Dans
l’analyse des présidents de SST, dont la mission est pourtant définie
par la réglementation, il n’est question que d’insécurité juridique pour
les intérêts des employeurs, en aucun cas de l’intérêt de la santé des
salariés ce qui est contraire à leur mission maintenant définie
règlementairement !
Le
projet de ces employeurs, comme le permet la faille juridique insérée
dans la loi de 2011 réformant les services de santé au travail, est de
déployer une finalité principale pour les SST, aider les entreprises à
« évaluer leurs risques », pas seulement identifier les risques, mais
les gérer pour le compte des employeurs en intégrant leurs contraintes
économiques.
En aucune façon ce
projet, par ailleurs respectable, n’est une mission régalienne, pas plus
qu’elle ne relève de la santé publique, cadre d’exercice des médecins du
travail dont l’exercice est assujetti au Code de la santé publique et
dont l’État
est comptable !
II - « Le projet
de simplification pour les entreprises » du gouvernement reprend
exactement la même argumentation.
-
1.
Il prône la disparition du suivi médical périodique :
selon le
« Conseil national de la simplification », les visites médicales
d’embauche et les visites médicales périodiques seraient réservées
aux seuls métiers difficiles ou dangereux
dont la
définition a été considérablement réduite par la réforme de la
« surveillance médicale renforcée » en 2012.
Les autres salariés seraient eux suivis
par leur médecin traitant.
-
2.
Il prône de ne plus obliger l’employeur à aménager le travail
de salariés précarisés dans leur santé
ce qui est
pourtant imposé par une directive européenne :
selon ce Conseil, les avis d’aptitude avec réserves sont parfois
assortis de telles restrictions qu’ils constituent quasiment une
inaptitude de fait. Il conviendrait donc d’harmoniser les pratiques
des médecins du travail afin de sécuriser l’employeur ! Des
propositions d’évolution de la notion d’aptitude seront faites d’ici
à la fin de l’année et donneront lieu à des mesures législatives au
premier semestre 2015.
III - Ce projet
réactionnaire contraire aux intérêts de la santé des salariés, contraire
à la santé publique en santé au travail, vise :
-
1.
À
supprimer le droit protecteur de l’aménagement des postes de travail,
tout cela pour que l’Écrit
médical dans l’intérêt de la santé du travailleur sur la fiche
d’aptitude, ne précarise plus juridiquement l’employeur face à son
obligation de santé de résultats qui lui impose notamment
« d’adapter le travail à l’homme » (L.4121-2 du Code du travail).
Il ne
s’agit pas de supprimer dans ce projet les aptitudes vides de sens,
ce qui est réclamé depuis des années par nombre de médecins du
travail. L’objectif est selon nous, que le médecin du travail soit
cantonné à gérer l’employabilité et réponde seulement pour cela, par
oui ou par non
à la conformité médicale illusoire
du travailleur à son poste de travail.
Le
droit protecteur de
la modification du poste de travail
dans l’intérêt exclusif de la santé du salarié, comme toute
prescription médicale
par un médecin relevant du Code de la santé publique, se trouvera
ainsi effondré. Les préconisations médicales pour aménager les
postes ne seront plus permises.
Seraient ainsi précarisés ou écartés, les travailleurs les plus
âgés, ceux souffrant d’une maladie et ceux porteurs d’un handicap
pour lesquels l’adaptation du poste de travail constitue un droit
social essentiel.
-
2.
À
supprimer le suivi médical systématique pour tous les travailleurs,
suivi médical qui fonde l’intervention sur le travail du médecin du
travail et la base de son intervention de prévention
collective ou de sauvegarde
individuelle.
Le « devoir de signalement des risques pour la santé des
travailleurs »
et l’obligation faite au médecin du travail de
dire au salarié les risques que son poste comporte, les conséquences
de ces risques pour sa santé et le suivi médical mis en place,
véritables actes préventifs vont
se trouver considérablement fragilisés,
faute de veille médicale individuelle systématique qui en est la
source et le lieu d’exercice pour une collectivité de travail.
La possibilité d’étayer un écrit de médecin du travail en s’appuyant
sur le suivi individuel d’une collectivité de travail se trouve
profondément précarisé. Au moment où la Chambre nationale
disciplinaire de l’Ordre des médecins actait enfin de ce fait,
malgré l’instrumentalisation des plaintes d’employeur auprès de
l’Ordre des médecins, l’assise collective par le suivi médical
individuel s’effondre !
La question n’est plus l’intérêt ou non d’une visite médicale à
l’embauche, rendez-vous qui pourrait être dévolu à l’équipe médicale
et pas forcément au médecin du travail. L’objectif de résistance est
de préserver les fondements d’une médecine du travail individuelle
et collective déployée par une équipe médicale engageant la
responsabilité d’un médecin du travail. Jusqu’à l’Écrit
médical, préconisation d’aménagement de poste, ou constat médical
d’un lien délétère entre la santé et le travail, qui est susceptible
d’engager la responsabilité d’un employeur du fait de son obligation
de sécurité de résultat.
-
3.
À
transformer les médecins du travail en expert HSE, ingénieur de
sécurité pour les TPE – PME pour gérer les risques pour le compte
des employeurs,
contrairement à l’inscription de la médecine du travail dans une
mission d’ordre public social de santé publique.
Et quand chacun aura compris qu’il ne s’agit plus alors d’une
mission régalienne adossée au Code de la santé publique, il n’y aura
plus qu’à signer le certificat de décès de la mort, programmée
depuis une vingtaine d’années,
du projet né en 1946 en réaction à la
sélection médicale de la main d’œuvre pratiquée par les régimes
totalitaires.
L’insécurité
juridique de la prescription règlementaire de l’aptitude, est maintenant
substituée dans le discours gouvernemental/patronal, par l’insécurité
que serait pour l’employeur l’action individuelle du médecin du travail
de préservation de la santé au travail en passant à l’écrit dans ses
multiples formes.
C’est
la première fois à notre connaissance qu’un gouvernement se prétendant
de gauche évacue si facilement son obligation constitutionnelle
régalienne de préservation de la santé au travail des travailleurs,
représentée par la mission de la médecine du travail. Il va y substituer
le seul intérêt de l’entreprise. L a question n’est pas de développer
des affects envers une entité économique comme le prône le Premier
ministre de la France (!), c’est de savoir si le gouvernement de ce pays
est encore en charge de la santé au travail de chacun du point de vue de
ses obligations régaliennes et de garant de la santé publique.
Après avoir
intégré l’employabilité dans les missions du médecin du travail, le
gouvernement :
·
Sans débat politique ou
social,
· Sans bilan de l’intérêt
d’une prévention médicale primaire en santé au travail de première ligne
pour tous par un suivi périodique de chacun,
· Sans percevoir le rôle
irremplaçable du suivi médical individuel pour prévenir les risques
collectifs, à l’heure de l’irruption des TMS, de la Souffrance au
travail, des psychopathologies et de l’usure au travail. Pour ainsi
permettre aux salariés de retrouver leur « pouvoir d’agir »,
face au risque de victimisation vide de sens, quand ils ne sont plus en
possibilité de bénéficier de façon périodique d’une instruction médicale
des mécanismes délétères des organisations du travail et des rapports
sociaux qui s’y nouent ;
Va
transformer la médecine du travail en médecine de
sélection de la
main d’œuvre pour le plus grand nombre, et
en médecine d’entreprise de gestion médicale du personnel pour celles
ayant pignon sur rue.
À
notre indignation de citoyens
Au débat
politique pour préserver les fondements de la médecine du travail !
Association
Santé et Médecine du Travail (SMT)
Le 7 novembre
2014
Correspondant Dr
Dominique Huez
06 74 58 08 09 |