" Le travail il ne suffit
pas d'en avoir, il faut aussi en être
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Nous avions déjà montré, ici, comment les dispositions de l’accord sur la flexibilité de l’emploi auraient un impact très fortement négatif sur la santé des travailleurs. Dans cette affaire sinistre, les victimes sont les travailleurs dont la santé n’a jamais eu la même importance que celle des victimes d’autres scandales sanitaires non professionnels. Les responsables et leurs complices institutionnels ne sont pas jugés. Le fait que cet accord ait été adopté, sans modification notable par le parlement, malgré l’opposition d’une partie de la majorité et des représentants du Front de gauche, entérine un déséquilibre préjudiciable du contrat de travail. Le titre même de la loi signe son caractère libéral. Comme le libéral dit toujours l’inverse de ce qu’il fait, la loi « de sécurisation de l’emploi » a pour résultat la précarisation de l’emploi et aussi et surtout du travail. Les employeurs ont dorénavant, en France, rapproché la subordination de droit romain, qu’ils exercent sur les travailleurs, de son origine historique : l’esclavage. L’état a abandonné le rôle contemporain de rééquilibrage du contrat de travail qu’il jouait, au moins depuis 1946. La droite en rêvait, le social-libéralisme l’a accompli ! Les stratégies historiques des employeurs, pistées par les historiens de la santé au travail depuis le début du 19éme siècle : « le déni des atteintes à la santé au travail, l’endiguement de l’intervention publique et la minimisation des coûts », ont atteint leur objectif.
Cela les rend incapables, par ignorance, mais aussi pour certains par intérêt, à appréhender deux faits essentiels : emploi et travail ne sont pas synonymes. Le travail et la santé sont intimement liés. C’est le travail qui crée du lien social, et nous permet « d’exister au monde » et d’agir sur lui. C’est cette existence au monde et cette action qui génèrent les conditions de notre santé. Comme le résume Yves Clot : « le travail il ne suffit pas d’en avoir il faut aussi en être ». Cet engagement dans le travail comme lien social, vécu si fortement par les travailleurs en France, assure leur productivité record. C’est aussi ce qui souvent préserve leur santé. Les cantonner à ne voir dans le travail qu’un emploi brisera à la fois leur santé et leur volonté de bien faire.
Il faut
craindre qu’on en soit déjà là. Les constats sur les effets du travail
sur la santé ne font pas la une des journaux et pour cause. Ainsi,
seules 4 à 5 % des consultations ambulatoires annuelles sont reconnues
par l’Assurance maladie comme attribuables au travail, et, selon elle,
12 à 13 % des personnes arrêtées au moins une fois sur une durée de deux
mois l’ont été à cause d’un accident ou d’une maladie professionnelle.
Environ 2 à 3% des personnes hospitalisées au moins une fois dans
l’année l’ont été, selon les enregistrements de l’Assurance maladie, à
cause du travail. Une étude réalisée par l’institut de recherche et
documentation sur l’économie de la santé (IRDES) en 2011 bouscule ces
idées reçues. Elle porte sur « l’influence
des conditions de travail sur les dépenses de santé »[
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