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L'association SANTÉ ET MÉDECINE DU TRAVAIL a pour objet de développer une réflexion et de permettre un échange sur les pratiques professionnelles et leurs conséquences scientifiques, sociales et éthiques pour agir sur l'évolution de la médecine du travail. Elle est ouverte aux médecins du travail et aux spécialistes scientifiques et sociaux se préoccupant de la médecine du travail.
La SMT fait partie des membres fondateurs de E-PAIRS.

 

Obligation de traçabilité en médecine du travail et indépendance professionnelle :

Un devoir ancien, une responsabilité réglementaire nouvelle

Alain Carré,

Médecins du travail

17 Novembre 2013.

La notion de risque pour la santé des travailleurs au travail

 Il faut, avant toute chose, considérer que la définition de ce qu’est un risque pour la santé des travailleurs au travail n’est pas unique. Elle n’est pas identique selon que celui qui considère le risque est un employeur ou un médecin du travail. De là naissent nombre d’ambiguïtés.

 La directive européenne 89-391 enjoint à l’employeur de prendre des mesures pour « assurer la santé et la sécurité des travailleurs ». L’article L4121-1[1] du code du travail précise que l’employeur à l’obligation « d’assurer la sécurité et de protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». Enfin depuis les jurisprudences de la cour de cassation, en 2002, l’employeur a, contractuellement, une « obligation de sécurité de résultat » d’ordre privé.

Cela limite le champ des responsabilités contractuelles d’employeur à la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles c’est-à-dire aux atteintes à la santé. Dès lors que la lésion ou la maladie physiques ou psychiques et leur lien au travail ne sont pas caractérisés, la responsabilité de l’employeur n’est pas engagée. A l’inverse, cela signifie que l’entreprise et le chef d’établissement sont fautifs dès lors que survient l’accident du travail ou la maladie professionnelle caractérisés. Cette situation est fondatrice des responsabilités contractuelles, assurantielles et parfois pénales de l’entreprise et de ses préposés. Cela explique qu’une partie des efforts de l’employeur soient déployés pour que le risque d’atteinte à la santé et son lien au travail soient ignorés.

 Bien évidemment, le risque d’atteinte à la santé tel que décrit ci-dessus fait bien partie du champ d’exercice  du médecin du travail, toutefois sa mission est autrement étendue.

Elle est directement liée, depuis 1946, à une obligation régalienne de l’état tracée par le 11ème alinéa du préambule de la Constitution qui institue notamment un « droit à la protection de la santé ».

De là dérivent les obligations de prévention des employeurs dans le cadre d’une obligation contractuelle de nature privée et dont le résultat est décrit plus haut et la mission des médecins du travail qui n’a pas variée depuis 1946 et qui consiste « à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail »[2]. Cette mission est par conséquent, du fait de son inscription dans le cadre constitutionnel et de la délégation de la puissance publique, une « mission d’ordre public social ».

La notion « d’altération de la santé » ouvre un champ de prévention médicale plus large que celui des employeurs en positionnant l’action du médecin, en matière d’obligation de moyens, du côté de la prévention primaire.

Il lui faut prévenir, alors même que la pathologie n’est pas survenue. C’est une des spécificités de l’exercice de la médecine du travail de procéder aux diagnostics positif et étiologique d’altérations de la santé avant qu’elles ne donnent naissance à des atteintes à la santé.

C’est précisément un des objets de la « clinique médicale du travail »[3].  Bien évidemment cela ne dispense pas le médecin du travail d’agir en prévention secondaire (dépistage précoce des atteintes à la santé, suivi post-exposition par exemple) et d’apporter sa pierre à la prévention des atteintes à la santé, à condition toutefois que ce soit du point de vue exclusif de l’intérêt de la santé de chaque travailleur.

 La traçabilité collective réglementaire des expositions aux  risques par l’employeur

 Pour les entreprises relevant du régime général de sécurité sociale la première des traçabilités est le document d’adhésion de l’entreprise à la CPAM dont elle relève (L461-4 du code de la sécurité sociale) et qui comporte une description des risques professionnels que l’entreprise génère.

 Quelle que soit la nature de l’entreprise, la base de cette traçabilité est depuis 2001 le document unique d’évaluation des risques[4] (DUER).

L’esprit dans lequel il est rédigé, son élaboration ainsi que les coopérations qui y président, sa rédaction, sa présentation aux IRP, sa transmission aux autorités de tutelles, sa finalité préventive sont précisés dans une circulaire DRT[5] dont la lecture est indispensable. Alors que le décret tient sur un recto verso, la circulaire comporte 22 pages !

Elle rappelle notamment que la fiche d’entreprise du médecin du travail est un document utile mais précise bien qu’elle ne saurait se substituer au DUER.

Sur la méthode d’élaboration de la démarche de prévention, dont le document unique est  une étape, il est précisé : « Le médecin du travail, en qualité de conseiller de l’entreprise (salariés et employeur), apporte sa compétence médicale (voir supra, point 2.3.1.). Il contribue plus particulièrement à la démarche de prévention, en exploitant les données recueillies pour l’établissement de la fiche d’entreprise ou lors de la surveillance médicale particulière des travailleurs ».

On mesure ici que rien n’implique la participation du médecin du travail à un groupe d’élaboration du document unique mis en place par l’employeur. S’il décide d’y participer, on ne peut que conseiller au médecin du travail de baliser sa participation par écrit, afin que ses conseils ne soient pas instrumentalisés et que sa spécificité d’action du point de vue exclusif de la santé soit explicite.

Dans l’annexe 2 de la circulaire DRT est dressée une liste des données à prendre en compte pour l’élaboration du DUER. En plus de l’analyse des risques effectuée par le IRP, les données à prendre en compte sont notamment la fiche d’entreprise et la surveillance médicale particulière (devenue renforcée) du médecin du travail.

Les défauts principaux des DUER,  dès lors qu’ils sont rédigés, sont habituellement :

  • leur focalisation sur les risques physiques au détriment des risques psychiques,
  • le privilège accordé aux risques « classiques » au détriment des risques psychosociaux
  • et enfin le centrage de la prévention sur les comportements individuels.

 Une mention particulière doit être faite pour les risques des agents chimiques dangereux (ACD), les cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR), et l’amiante.

Sans rentrer dans le détail, les obligations de traçabilité de l’employeur sont bien précisées et de plus en plus contraignantes en fonction du risque.

Un document collectif synthétique de traçabilité est constitué, dès qu’une exposition à un agent chimique dangereux existe : il s’agit de la notice de poste (parfois dénommée fiche de poste), prévue à l’article R4412-39 du CDT[6]. Cette fiche est à la jonction de la traçabilité individuelle et de la traçabilité collective puisque « destinée à informer les travailleurs » occupant le poste.

 La traçabilité individuelle réglementaire des expositions aux risques par l’employeur

 Les principes généraux de la traçabilité individuelle des risques par l’employeur sont le corollaire de la subordination contractuelle des travailleurs « à la française ». Ainsi l’article L4121-1 du CDT[7] subordonne la responsabilité du salarié à la traçabilité du risque (qui reste néanmoins tacite) et à l’indication des mesures préventives précises et appropriées par l’employeur.

 La réglementation est toutefois relativement avare en matières de dispositions de traçabilité à l’exception notable du risque des agents chimiques dangereux et des cancérogènes.

Néanmoins, même dans cette catégorie, la traçabilité individuelle des expositions par l’employeur a été notablement allégée en 2012.

Le symbole de cette cécité volontaire de l’exécutif sur la question des risques professionnels est la disparition de pans entiers de surveillance médicale renforcée (SMR) dans la précipitation  préélectorale de 2012.

Parmi les surveillances éradiquées, celle concernant les ACD, en tant que tels, (ne demeurent que les CMR de catégorie 1 et 2 soit 1A et 1B EU). La comparaison entre les anciennes catégories de SMR et les nouvelles est accablante[8].

 La traçabilité des expositions individuelles en matière de risque chimique ou cancérogènes comporte toujours une traçabilité des expositions aux ACD dans la suite immédiate de leur survenue (les fiches) et une traçabilité des expositions a posteriori, lorsque le salarié quitte l’entreprise (les attestations). Rappelons pour mémoire que la « notice de poste » participe également à cette traçabilité individuelle.

 Avant 2012, et depuis 1996 pour l’amiante et 2003 pour les autres ACD, l’employeur devait tracer les expositions dans des fiches remises au salarié. A l’exception de l’amiante, cette obligation a été supprimée en janvier 2012.

Avant 2012, depuis 1996 pour l’amiante et 2003 pour les autres ACD, l’employeur devait récapituler les expositions dans une attestation au départ du salarié de l’entreprise. Sauf pour l’amiante ( en référence au décret de 1996), cette obligation a été supprimée en janvier 2012. Toutefois, les attestations d’expositions aux ACD continues à être une obligation pour les salariés exposés entre 2003 et 2012[9]. Cette attestation concerne également le médecin du travail.

Enfin, certains font semblant d’oublier l’article D461-25 du code de la sécurité sociale[10], antérieur à 2003, c’est-à-dire non contraint par la disparition des dispositions concernant les ACD prises en 2012.

Cet article suppose la remise par l’employeur d’une attestation d’expositions aux agents et procédés cancérogènes dont le modèle est fixé par arrêté, révisé en 2011, depuis 1995[11]. La rédaction de cette attestation fait intervenir le médecin du travail.

 A la rédaction des fiches et attestations abrogées par décret le 31 janvier 2012, s’est substituée la « fiche de prévention des expositions à des facteurs de pénibilité » dite « fiche de prévention des expositions ».

Cette fiche présente de nombreux inconvénients. Le principal est son lien à un processus lié aux dispositions sur les retraites basées sur la pénibilité.

Cette pénibilité est réservée à une liste fermée de risques[12] susceptibles « de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé »  c’est-à-dire des atteintes à la santé. Chacun de ces facteurs de risque est précisé par une référence réglementaire.

Cette fiche répond à un modèle fixé par arrêté du 30 janvier 2012. Elle doit être rédigée dès que le risque est présent, dans la mesure où les colonnes 2 et 3 de cette fiche demande à renseigner si le risque et « oui ou non » présent. Toutefois, la nouvelle loi sur les retraites modifie la fiche en la subordonnant à des seuils « publiés par décret ».

L’une des difficultés réside précisément dans la volonté de raisonner en termes de seuil. Ce contre sens est assez incompréhensible puisque l’employeur à toute latitude lors de la rédaction de cette fiche de préciser le caractère et l’intensité minime s’il l’estime justifié et les moyens de prévention qu’il a mis en place.

 La traçabilité collective réglementaire des expositions aux  risques par le médecin du travail

 Dorénavant comme médecin du travail, celui-ci doit explicitement participer à la « traçabilité des risques professionnels », soit comme délégataire avec d’autres membres du SST interentreprises[13], soit personnellement dans les services autonomes.

Ce rôle est lié aux missions de conseil du médecin du travail. l’article R4623-1 du CDT précise que « le médecin du travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux, notamment sur (…) 3° La protection des travailleurs contre l’ensemble des nuisances, et notamment contre les risques d’accidents du travail ou d’exposition à des agents chimiques dangereux ».

Les trois étapes classiques de la démarche du médecin du travail dans ce domaine d’action sont :

  • Le repérage des dangers et des risques d’altération de la santé et celui des postes de travail concernés ce qui permet un repérage des salariés exposés
  • La veille médicale des effets éventuels des risques repérés sur la santé des salariés exposés et la mise en évidence du lien santé travail dès lors que surviendraient des effets
  • Le signalement individuel à chaque salarié concerné et collectif à la communauté de travail du risque et de ses effets

 Les visites médicales et l’action en milieu de travail nourrissent le repérage et la veille médicale. Le médecin du travail peut effectuer ou faire effectuer des prélèvements des mesures et des analyses, réaliser des études qui seront transmises à toute la communauté de travail (article R4624-7 et R4624-8 du CDT)

 En matière de traçabilité collective les supports réglementaires formalisés sont assez anciens.

Certaines rubriques du rapport annuel d’activité du médecin du travail ont longtemps été le seul support formalisé.

A partir de 1986 apparait l’obligation pour le médecin du travail d’établir une fiche d’entreprise[14]. Ce document est remis à l’employeur et présenté au CHSCT. Il est mis à jour en tant que de besoin par le médecin du travail.

Le contenu de cette fiche précisé par l’arrêté du 29 mai 1989, qui en fixe, dans le détail, chacune des rubriques, comporte une description de tous les risques existants y compris psychosociaux (dans la rubrique « autres risques ») et ceci en désignant les postes et l’effectif de salariés concernés par ces risques, leur impact et les mesures de prévention ainsi que le bilan de celles-ci. Elle comprend également un état des locaux de travail et un bilan des effets des risques.

Cette fiche participe de l’obligation de moyen du médecin du travail et constitue un élément objectif de son action en cas de mise en responsabilité.

Des pratiques de mises à jour par la rédaction de courriers remis à l’employeur et portant la mention de la participation du courrier à la fiche d’entreprise se sont mises en place avec le temps dès lors qu’un risque nouveau était repéré par le médecin du travail.

 Cette formalisation de la traçabilité collective par le médecin du travail a été rendue encore plus formelle en Juillet 2011. Dorénavant le médecin du travail à une obligation de signalement écrit « motivé et circonstancié » dès lors qu’apparait un risque d’altération pour la santé des travailleurs au travail[15]. Cette obligation nouvelle de signalement dans l’espace public de l’entreprise, même si elle est juste dans son principe, pose avant tout la question des moyens dont dispose le médecin du travail pour accomplir cette mission.

Dès lors qu’il ne dispose pas des moyens qu’il estime nécessaire, il est indispensable, après les avoir identifiés, qu’il les revendique formellement auprès de l’employeur ou du SST, en en informant les IRP et les autorités de tutelle.

En effet, cette mission d’alerte formalise la position de « sachant » du médecin du travail en matière de risques professionnels et de leur traçabilité. Il engage donc sa responsabilité personnelle et éventuellement pénale, ce que nous rappellent les mises en examen dans les affaires d’amiante.

 La traçabilité individuelle réglementaire des expositions aux risques par le médecin du travail

 La première caractéristique de la traçabilité individuelle des expositions par le médecin du travail est qu’elle porte à la fois sur les risques et sur leurs conséquences c’est-à-dire sur le lien santé-travail.

Avant d’être médecin du travail, le médecin du travail est un médecin. A ce titre son exercice relève des dispositions du code de santé publique.

Comme tout médecin, le médecin du travail « doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose… » (R4127-35 du CSP).

L’un des articles fondateurs de la réforme de ce code, survenue en 2002, L’article L1111-2[16], porte sur le droit à l’information de tout patient et par conséquent sur le devoir du médecin d’informer. Ne pas informer engage la responsabilité du médecin.

Depuis janvier 2012 cette obligation est formalisée en médecine du travail.

Ainsi, le médecin du travail est chargé au cours de l’examen d’embauche « d’informer (le travailleur qu’il examine) sur les risques des expositions au poste de travail et le suivi médical nécessaire » (R4624-11 du CDT).  Lors des examens périodiques il a obligation d’informer le travailleur « sur les conséquences des expositions au poste de travail et du suivi médical nécessaire » (R4624-16 du CDT). Il peut dans ce cadre demander les examens complémentaires nécessaires « au dépistage d’une maladie professionnelle ou à caractère professionnel susceptible de résulter de l’activité professionnelle du salarié » (R4624-25 du CDT).

 La deuxième caractéristique de la traçabilité individuelle de l’exposition aux risques par le médecin du travail est qu’elle est en partie rétrospective.

Du fait qu’elle engage la responsabilité du médecin il est particulièrement approprié que cette traçabilité soit formalisée.

Ainsi, le médecin du travail établit un dossier en santé au travail qui « retrace dans le respect du secret médical les informations relatives à l’état de santé du travailleur, aux expositions auxquelles il a été soumis… » (L4624-2 du CDT). Le dossier médical est accessible au salarié.

Le dossier doit porter mention des expositions aux risques anciennes du salarié, pour mettre en place un suivi médical post exposition.

Concernant les ACD et les cancérogènes rappelons que les attestations, qu’il s’agisse de celle qui n’est plus obligatoire après janvier 2012 (mais doit néanmoins être remise pour les salariés exposés avant cette date) ou de celle prescrite par l’article D461-25 du code de la sécurité sociale, doivent être en partie rédigées par le médecin du travail et permettent la mise en œuvre du suivi médical post professionnel.

La circulaire DRT d’application du décret les instituant[17] précisait, qu’en cas de désaccord avec l’employeur sur la nature de l’attestation, le médecin du travail peut rédiger un certificat médical d’attestation afin de permettre l’accès à un suivi post exposition ou post professionnel.

Ne pas signaler les expositions à un salarié, du fait que ce signalement ouvre un droit à la prévention secondaire, constitue une perte de chance pour le salarié ce qui engage la responsabilité de celui ou de celle qui se serait abstenu.

 La troisième caractéristique de la traçabilité individuelle de l’exposition aux risques par le médecin du travail concerne le constat des effets de ces expositions qui est de la responsabilité du médecin du travail.

Comme à tout médecin l’article  L461-6 du CSS s’impose au médecin du travail. «  En vue, tant de la prévention des maladies professionnelles que d'une meilleure connaissance de la pathologie professionnelle et de l'extension ou de la révision des tableaux, est obligatoire, pour tout docteur en médecine qui peut en connaître l'existence, notamment les médecins du travail, la déclaration de tout symptôme d'imprégnation toxique et de toute maladie, lorsqu'ils ont un caractère professionnel et figurent sur une liste établie par arrêté interministériel, après avis du conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.

Il doit également déclarer tout symptôme et toute maladie non compris dans cette liste mais qui présentent, à son avis, un caractère professionnel… ».

Enfin, l’article R4127-50 du CSP qui impose à tout médecin de « faciliter l'obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit… » Cela peut nécessiter la rédaction d’un certificat médical.

Le constat du lien par le médecin du travail peut également être rédigé dans le cadre d’une action de prévention d’une aggravation ou de continuité du soin. Cet écrit peut ainsi être rédigé à l’attention d’un autre médecin, soit dans le cadre d’un avis complémentaire soit en direction du médecin traitant pour permettre par exemple une continuité de prise en charge. Là encore les règles déontologiques relatives au secret médical et l’article L1110-4 du CSP imposent que les liens entre les médecins soient assurés en toute connaissance de cause par le patient, lequel peut prendre connaissance des échanges si toutefois il les autorise.

 Les écrits du médecin du travail et le travail collectif entre pairs au cœur de la traçabilité collective ou individuelle et de l’indépendance professionnelle

 La traçabilité individuelle et collective par le médecin du travail relève à la fois d’une obligation réglementaire devenue récemment formelle et d’une obligation déontologique d’assurer au patient qu’est le salarié l’accès à ses droits légitimes.

Reste à appliquer ces principes à la situation concrète de l’exercice de la médecine du travail en matière de traçabilité.

la traçabilité inégale des employeurs et les obligations nouvelles de formalisation de la traçabilité par le médecin du travail pourraient converger vers une mise en responsabilité du médecin du travail.

Pour éviter la confusion des champs de responsabilité, il est indispensable que le déploiement des pratiques du médecin soit bien distinct de celui des obligations d’employeur.

La mission d’ordre public social du médecin du travail est distincte de celle d’un expert HSE (hygiène sécurité environnement) ou d’un IPRP préposé pour une mission de prévention d’ordre privé. Cela n’exclut pas les coopérations, à condition que les principes d’intervention de chaque acteur et son indépendance soient respectés.

On peut légitimement s’interroger sur la pertinence et la bienveillance du législateur qui, dans un contexte de pénurie de moyens et dans un climat social où la santé au travail est la      grande perdante, augmente notablement les obligations de traçabilité du médecin du travail. Pas d’obligation sans moyens mais aussi, pour les médecins du travail, pas d’indépendance réelle sans moyens.

Cette mise en responsabilité n’est donc pas seulement celle que ferait courir un défaut de traçabilité par médecin du travail mais aussi celle que ferait courir le fait de s’être abstenu de revendiquer les moyens nécessaires à cette traçabilité.

D’où la nécessité de tracer par écrit, dès lors qu’on trace et/ou d’exprimer son point de vue professionnel dans le cadre des IRP ou de la Commission de contrôle afin d’en garder trace au procès-verbal.

Le médecin du travail sera bien inspiré de considérer que relève de son obligation de moyens l’accomplissement par l’employeur de ses propres obligations de traçabilité individuelle et collective et la transmission des documents réglementaires qui s’y rattachent.

Même si cela ne rend pas le médecin du travail très populaire auprès de l’employeur, il en va de sa responsabilité et de l’exercice de son indépendance. Cela passe par un examen critique rendu public dans l’entreprise des documents de traçabilité produits par l’employeur ou le signalement de leur absence, voire des conseils de prévention ou d’intervention spécialisée.

Enfin, en matière de pratiques, il est illusoire de considérer qu’un médecin du travail isolé puisse assurer seul ses obligations de traçabilité.

Les médecins du travail n’ont d’autres ressources que celle de mettre chaque employeur devant ses responsabilités de traçabilité et  de  travailler collectivement entre pairs sur la traçabilité médicale des risques. L’indépendance est à ce prix.


[1] Article L4121-1 - L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

[2] Article L. 4622-3 - Le rôle du médecin du travail est exclusivement préventif. Il consiste à éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, notamment en surveillant leurs conditions d'hygiène au travail, les risques de contagion et leur état de santé.

[3] La référence est constituée par le n°27 des cahiers de l’association SMT : http://www.a-smt.org/cahiers/cahiers/cahier-27/cahier27.htm

[4] Décret N° 2001-1016 du 5 novembre 2001 portant création d’un document relatif à l’évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, prévue par l’article L. 230-2 du code du travail et modifiant le code du travail

[5] CIRCULAIRE N° 6 DRT du 18 avril 2002

[6] Article   R4412-39 L'employeur établit une notice, dénommée notice de poste, pour chaque poste de travail ou situation de travail exposant les travailleurs à des agents chimiques dangereux. Cette notice, actualisée en tant que de besoin, est destinée à informer les travailleurs des risques auxquels leur travail peut les exposer et des dispositions prises pour les éviter. La notice rappelle les règles d'hygiène applicables ainsi que, le cas échéant, les consignes relatives à l'emploi des équipements de protection collective ou individuelle.

[7] Article L4122-1 : Conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur, dans les conditions prévues au règlement intérieur pour les entreprises tenues d'en élaborer un, il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Les instructions de l'employeur précisent, en particulier lorsque la nature des risques le justifie, les conditions d'utilisation des équipements de travail, des moyens de protection, des substances et préparations dangereuses. Elles sont adaptées à la nature des tâches à accomplir.

Les dispositions du premier alinéa sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur.

[8] Ont notamment disparues des SMR : Port de charge, Travail sur écran, Exposition aux agents chimiques dangereux, Exposition aux CMR 3, Agents biologiques des catégories 1 et 2, Application des peintures et vernis par pulvérisation, Travaux effectués dans les égouts, Travaux effectués dans les abattoirs, travaux d’équarrissage, Collecte et traitement des ordures, Travaux exposant à de hautes températures, des poussières ou émanations toxiques et concernant le traitement des minerais, la production des métaux et les verreries, Travaux effectués dans les chambres frigorifiques, Travaux exposant aux poussières de métaux durs (tantale, titane, tungstène et vanadium), Travaux d‘opérateur sur standard téléphonique, Travaux de préparation, de conditionnement, de conservation et de distribution de denrées alimentaires

[9] Décret N°2012-136 du 30/01/2012 : Art. 4. − L’attestation d’exposition aux agents chimiques dangereux établie pour l’application de l’article R. 4412-58 jusqu’à la date d’entrée en vigueur du présent décret est remise au travailleur à son départ de l’établissement.

[10]Article D461-25 : La personne qui au cours de son activité salariée a été exposée à des agents cancérogènes figurant dans les tableaux visés à l'article L. 461-2 du code de la sécurité sociale ou au sens de l'article R. 231-56 du code du travail et de l'article 1er du décret n° 86-1103 du 2 octobre 1986 peut demander, si elle est inactive, demandeur d'emploi ou retraitée, à bénéficier d'une surveillance médicale post-professionnelle prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie ou l'organisation spéciale de sécurité sociale. Les dépenses correspondantes sont imputées sur le fonds national des accidents du travail.

Cette surveillance post-professionnelle est accordée par l'organisme mentionné à l'alinéa précédent sur production par l'intéressé d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail.

Le modèle type d'attestation d'exposition et les modalités d'examen sont fixés par arrêté.

Un suivi du dispositif est mis en place par l'organisme susmentionné.

[11] Arrêté du 28 février 1995 pris en application de l'article D. 461-25 du code de la sécurité sociale fixant le modèle type d'attestation d'exposition et les modalités d'examen dans le cadre du suivi post-professionnel des salariés ayant été exposés à des agents ou procédés cancérogènes

[12] Manutentions manuelles, Postures pénibles, Agents chimiques dangereux (sauf amiante), Vibrations mécaniques, Milieu hyperbare, Températures extrêmes, Bruit, Tr. de nuit, Tr. en équipes successives alternantes, Tr. répétitif

[13] Article L. 4622-2 - Les services de santé au travail ont pour mission exclusive d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. À cette fin, ils (…) 4° Participent au suivi et contribuent à la traçabilité des expositions professionnelles et à la veille sanitaire

[14] Art. D. 4624-37. − Pour chaque entreprise ou établissement, le médecin du travail (…) établit et met à jour une fiche d’entreprise ou d’établissement sur laquelle figurent, notamment, les risques professionnels et les effectifs de salariés qui y sont exposés.

[15] Art. L. 4624-3. I– Lorsque le médecin du travail constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs, il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver.

 L’employeur prend en considération ces propositions et, en cas de refus, fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.

II. – Lorsque le médecin du travail est saisi par un employeur d’une question relevant des missions qui lui sont dévolues en application de l’article L. 4622-3, il fait connaître ses préconisations par écrit.

III. – Les propositions et les préconisations du médecin du travail et la réponse de l’employeur, prévues aux I et II, sont tenues, à leur demande, à la disposition du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, de l’inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale et des organismes mentionnés à l’article L. 4643-1

[16] Article L1111-2 Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver. Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel.

[17] Circulaire DRT no 12 du 24 mai 2006 paragraphe 8.3.4 : « …En cas de désaccord entre le médecin du travail et l'employeur sur l'attestation d'exposition, le médecin du travail peut délivrer à l'intéressé un certificat dont l'organisme de sécurité sociale peut tenir compte, en diligentant le cas échéant une enquête… »

 

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